يد واحده ما تصفق

Yedd ouahda ma tsafek
Une main toute seule ne peut pas applaudir

mercredi 5 mai 2010

Témoignages de nos grands parents sur la guerre d'Algérie



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La guerre d’Algérie a débuté en 1954 pour ne s’achever qu’en 1962. Si aujourd’hui, l’appellation de « guerre » ne fait aucun doute, et ce pour personne, il faut savoir que les évènements n’ont été reconnus comme tels par la France qu’en 1999, date à laquelle le Parlement français adopte une proposition de loi reconnaissant "l'état de guerre en Algérie". Jusque là, les évènements n’avaient été qualifiés que comme une « mission de pacification ».
Nous avons interviewé nos grands parents qui ont vécu cette guerre, et pourrons ainsi étudier en quoi deux personnes ayant participé à celle-ci, bien que leur statut ait été différent, peuvent avoir un regard somme toute assez similaire sur cet évènement. Nous avons notamment vu la divergence entre l’appellation alors « officielle » (la pacification) et les faits réels qui avaient lieu en Algérie.


I/ Un cuisinier engagé…



1) Au départ présentées comme des opérations de maintien de l’ordre sur le territoire algérien, que pensez-vous de la formulation par rapport aux faits réels ?

bbbbbbC’était bon et mauvais parce qu’il y avait de la casse.

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2) Est-ce que vous êtes allés en Algérie pendant toute la durée de la guerre ? Sinon, quand y êtes vous parti ? Quand en êtes vous revenu ?



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3) Est-ce que vous saviez, au départ, pourquoi vous partiez ?


bbbbbbOui. On nous avait dit que c’était pour « pacifier » et défendre la France.




4) Quelle a été votre réaction quand vous avez appris votre départ ?


bbbbbbC’était un peu froid, mais je m’y attendais. Au départ, j’étais au régiment à Nancy. Nous avons formé le 94ème RI, et sommes partis le 1er mai au soir. Je savais car j’étais en vacances huit jours avant, en permission comme on dit si bien… Après, on partait pour l’Algérie, fallait subir, c’était comme ça.
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5) Quel a été votre rôle pendant la guerre ?







6) Est-ce que vous vous êtes déjà retrouvé en grand danger ?

bbbbbbMoi, non. Mais j’ai vu des collègues tués. D’ailleurs, le premier jour, neuf morts. Je faisais partie de la compagnie dans laquelle j’étais avant de partir en Algérie (ndlr : le 94ème RI). J’ai eu six copains qui sont morts en l’espace de vingt minutes, nous avions été tiraillés. A part ce coup là… je n’ai pas été en grand danger.


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7) Etait-il facile de voir votre famille, qu’elle soit en France ou en Algérie, pour des occasions comme les fêtes ?


bbbbbbPas du tout. J’ai eu une permission exceptionnelle pour le mariage de ma sœur. Ça faisait déjà un bout de temps que j’étais en Algérie. Et il n’y avait pas de vacances. Pas de permissions données, sauf cas exceptionnels.

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8) Dans quelle région étiez-vous ? Etiez-vous au cœur du conflit, ou en marge ?

bbbbbbNous étions dans les Aurès, pas loin de Constantine. En plein cœur du conflit.

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9) Où étiez-vous logé ? Le logement dépendait-il du grade ou du rôle que vous jouiez ?


bbbbbbNon, non. On logeait tous dans des ghettos. Une baraque faite en terre, les cuisines étaient là dedans. Je dormais avec un autre de mes collègues.



10) Est-ce que par votre rôle dans la guerre (ndlr : cuisinier) vous étiez plus protégé qu’un soldat ?


bbbbbbOh bah oui ! Je n’ai jamais fait de patrouille donc j’étais plus protégé. Parfois, j’ai monté la garde quand les gars étaient partis en opération. Mais rarement. J’avais suffisamment de travail en cuisine, c’était la spécialité du régiment. Par exemple, le boulanger ne montait jamais la garde. Il y en a un qui s’occupait des radios, et c’était pareil.


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11) Comment avez-vous vécu votre retour en France ?



12) Avez-vous une anecdote ?


bbbbbbOui. A Noël, nous parachutions des dindes, encore vivantes, et c’était mon rôle de les tuer. Je les cuisinais pour les copains.




II/ … Un soldat volontaire

bbbbbMon grand père s’appelle Georges Amet. Il a participé aux évènements de la guerre d’Algérie de mars 1959 à mai 1960, soit quinze mois au total.
Officiellement présentée comme une "opération de maintien de l’ordre sur le territoire algérien", l’appellation ne correspondait pas vraiment aux faits. Il s’agissait d'ailleurs d’une guérilla plus d’une guerre. Les hostilités ne pouvaient se résoudre par la négociation : les Algériens ne faisaient plus confiance aux Français, ceux-ci s’étant servis de la colonisation pour exploiter les peuples et les ressources locales.


bbbbbMon grand père est parti en Algérie en tant que volontaire. Il s’était engagé pour combattre en AOF (Afrique Occidentale Française) ou en Algérie. Il aurait pourtant pu refuser d’y aller, étant soutien de famille. Son père était malade, il était l’aîné.



bbbbbIl décida cependant de partir, pour une mission de pacification. Voilà comment la guerre était présentée aux soldats. Les engagés voyagèrent par avion et par bateau, pour arriver enfin à Oran. A peine débarqué, les hommes étaient rassemblés en régiments (pour mon grand père le GT 509). On leur mettait un fusil entre les mains en leur ordonnant de "tirez sans sommation, si vous hésitez, c’est l’ennemi qui vous tirera dessus en premier".
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bbbbbLe régiment GT 509 s’occupait d’opérations et conduisait les camions. Des Simca Ford. Les hommes en obtinrent trente, tous neufs, sortis de l’usine, à leur arrivée.
Mon grand père a passé ses quinze mois principalement en Kabylie "la plus belle région d’Algérie", un peu à Oran, et un peu en Tunisie.





bbbbbSur place, les hommes dormaient où ils pouvaient, sous la tente ou dans leur camion. "Nous n’avons eu un baraquement qu’une seule fois, à Saint Louis". Les rythme de vie était le suivant : deux jours et demi d’opération, un jour de repos, deux jours et demi d’opération, un jour de repos… et ainsi de suite. En opération, ils avaient droit à une boîte de ration contenant du pâté, une boîte de fromage fondu, des pâtes de fruit, des gâteaux, et une petite bouteille de goutte par jour. En repos, les repas étaient chauds, préparés par les cuisiniers de la base.
Les lettres aux familles étaient envoyées, quoique ouvertes par la censure, tout comme les colis reçus. Ceux qui restaient vingt-sept ou vingt-neuf mois avaient droit à une permission pour rendre visite à leurs familles. "Moi j’aurais du effectuer mes quinze mois d’une traite, mais j’ai eu droit à une permission exceptionnelle, mon père étant décédé.".

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bbbbbLes opérations pouvaient se révéler très dangereuses. "Un jour, le convoi est tombé dans une embuscade. Il y a eu au total quatorze morts parmi les opérationnels. Et dans ces cas là, pas question de rester sur place, ou d’attendre une quelconque aide. Quand la mitraille commence à arriver de partout, on file se cacher et on essaie de voir l’ennemi pour lui tirer dessus. Pas le temps de penser à autre chose, ni même d’avoir peur.". Surtout que les assaillants, après avoir attaqué le convoi, mirent le feu aux bois alentour pour empêcher toute retraite. b



bbbbbIl y avait aussi d’autres risques : une fois, un des hommes ne voulait pas conduire. Mis de force derrière le volant, une fausse manœuvre précipita le véhicule dans un ravin. Il y eu douze morts.
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bbbbbLe régiment avait également de la compagnie : un singe et un petit sanglier apprivoisés qui le suivaient dans ses déplacements, ainsi qu’une chienne, Pills, qui buvait de la bière comme un homme.
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bbbbbPour l’anecdote : "Un soir, à la réunion de la préparation d’une opération, un gendarme présent dit "Il y a un Vosgien parmi vous". Il s’avéra qu’il m’avait non seulement reconnu à l’accent, mais qu’en plus il venait du même village. A présent, il habitait à Oran avec sa femme et ses enfants. Lorsque nous sommes allés là bas, par la suite, il est venu me chercher trois dimanches, et il m’a fait découvrir la ville. Elle était magnifique. Je ne sais pas si elle l’est encore, mais à l’époque, elle l’était.".
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bbbbbIl y avait également des tremblements de terre : "Un soir, j'étais couché dans mon lit quand la lumière se mit à trembler et des bouts de plâtre à se détacher du plafond. Il fallait quitter le bâtiment, mais impossible de se déplacer avec ces secousses. De plus, les lits étaient à étage et j'étais dans celui du haut. En m'agrippant à l'échelle, j'ai réussi à en descendre, puis je me suis tenu aux murs et à la rampe d'escalier, sans quoi je ne serais jamais arrivé dehors. J'ai passé cette nuit et les deux suivantes dans mon camion. La terre a encore tremblé plusieurs fois ces jours là".


bbbbbAu retour en France, "On se sent perdu le premier mois. C'est dur d'imaginer qu'on a plus à avoir peur, que personne ne va nous tendre une embuscade. La liberté est difficile à appréhender. Tous les matins, on se lève et on se demande ce qu'on fait là. Et puis, après quelques mois... On se réhabitue".


bbbbbbbbbbConclusion...
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bbbbbbNous avons donc vu que la prétendue « pacification » n’en était pas vraiment une, bien que le terme de « guerre » n’ait été reconnu que tardivement (en 1999) par la France. En effet, les appelés furent, tout comme la population locale, souvent exposés au danger. De nos jours, les témoignages se font de plus en plus nombreux, notamment aux travers de livres comme Appelés en guerre d’Algérie de Benjamin Stora ou Appelés en Algérie, la parole confisquée de Claire Mauss-Copeaux.



Photographies de G. Amet

Une contribution de Malvina et Justine (1ère L2 d'Epinal)


5 commentaires:

  1. Excellent travail sur le fond comme sur la forme.
    Bravo !

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  2. Bonjour

    je souhaiterais prendre contact avec le monsieur qui était au 94 R.I
    voici mon email à lire en colonne
    easymaths
    arowbase
    hotmail
    point
    fr

    je vous remercie

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    1. Bonjour,

      Je transmets cette requête aux élèves qui on réalisé cet entretien.
      Cordialement
      E.A.

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    2. j'ai fait mon service avec georges amet au GT509 je desirerais prendre contact merci roland neppel mail: monique.neppel@gmail.com

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    3. Bonjour,

      Je transmets cette requête aux élèves qui on réalisé cet entretien.
      Cordialement
      E.A.

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